Hommes – femmes : l’égalité au travail “n’est plus la priorité des entreprises”
Mise en ligne le mardi 07, octobre 2025
Mise à jour le mardi 07 octobre 2025
Plus diplômées que les hommes, les femmes restent moins bien payées et moins présentes aux postes stratégiques. Les choses ne devraient pas aller en s’améliorant alors que le contexte économique et un certain climat des affaires ont relégué ce sujet au second plan, analyse Denis Monneuse, chercheur indépendant et dirigeant du cabinet de conseil Poil à Gratter.
Quel est l’état des inégalités entre les hommes et les femmes au travail ?
Trois grandes inégalités pèsent sur les femmes.
La première concerne le salaire. En moyenne, tout de temps de travail confondus, l’écart de salaire entre les hommes et les femmes tourne autour des 20%. Ce chiffre descend à 4% si on compare les salaires à temps de travail égal et métiers équivalents. Cet écart s’explique en partie par la négociation salariale menée en début de carrière.
La seconde inégalité, c’est le plafond de verre qui limite l’accession des femmes à des postes à responsabilité. Si des quotas existent pour féminiser les conseils d’administration, il ne concerne qu’une minorité de femmes, et rien n’est imposé pour les postes de managers.
Enfin, les femmes sont plus souvent exposées aux incivilités et au harcèlement, en particulier sexuel, que leurs collègues masculins.
Falaise de verre : en temps de crise, les femmes en première ligne
Comment expliquer ces inégalités alors que les femmes sont plus diplômées que les hommes et presque autant en emploi qu’eux ?
Par de nombreux schémas et stéréotypes qui imprègnent la société.
Par exemple, on sait que les femmes ont moins confiance en elles que les hommes pour renégocier leur salaire ou demander une promotion. Lorsqu’elles ont leur premier enfant, certaines vont vouloir privilégier leur vie familiale à leur carrière, c’est moins souvent vrai pour les hommes.
Dans le couple, c’est aussi celui qui a le moins bon salaire qui demande un temps partiel, le plus souvent les femmes. Cela passe pour une moindre implication au travail et elles se voient moins confiées de missions que les hommes. Le serpent se mord la queue…
Il y a aussi le regard des autres salariés. Lorsque les femmes quittent l’entreprise à 16h, on pense qu’elles vont chercher leur enfant à l’école ou à la crèche alors qu’on imagine les hommes se rendre à un rendez-vous professionnel.
Biais de stéréotypes, de primauté ou effet de halo : cette petite voix intérieure qui vous empêche de bien recruter
La maternité est donc un facteur toujours aussi pénalisant pour les femmes…
Oui et ce malgré la mise en place de l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés, il prévoit que les femmes bénéficient des augmentations générales ainsi que de la moyenne générale de la moyenne des augmentations individuelles perçues par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle durant leur congé maternité. Il n’empêche, les femmes ont moins d’opportunités de promotion après un congé maternité.
Les hommes ne sont-ils pas plus incités à “prendre leur part” dans le couple ?
Même si les médias évoquent volontiers les nouveaux “nouveaux pères” plus investis dans leur vie personnelle et familiale, les faits sont têtus. La répartition des tâches ménagères se fait toujours au détriment des femmes. Les hommes sont encore peu nombreux à prendre leur congé paternité, notamment pour des raisons financières. C’est surtout vrai pour les hommes les plus précaires et les mieux rémunérés.
Depuis l’élection de Donald Trump, les sujets de diversité sont moins valorisés dans les entreprises
Comment lutter contre les inégalités professionnelles ?
Une directive sur la transparence des salaires doit être transposée en droit français en 2026. Elle prévoit que les entreprises de plus de 100 salariés publient régulièrement un rapport détaillant les écarts de salaire et les différents niveaux de rémunération pratiqués à tous les postes. Les prétentions salariales des femmes seront raccord avec ce qui est pratiqué par les entreprises.
La transparence des salaires comme levier d’attraction
D’autant qu’un écart de salaire de 4%, à poste et temps de travail équivalents, c’est vite rattrapable ?
C’est vrai pour les métiers dont la grille salariale est comparable. Ça l’est moins à mesure que l’on monte dans la hiérarchie. Un directeur commercial pourra avoir un salaire bien plus important qu’une directrice marketing mais les entreprises pourront toujours justifier les écarts de salaire.
La directive sur la transparence des salaires devrait néanmoins permettre d’étudier le niveau des rémunérations pratiqués dans des entreprises équivalentes. Pour l’heure, cela ne semble pas être la priorité des entreprises…
Le contexte économique limite les avancées contre les inégalités ?
Disons que c’est un sujet fragile et que la priorité des entreprises, aujourd’hui, c’est de remplir les bons de commande. Depuis l’élection de Donald Trump, les sujets de diversité sont aussi moins valorisés dans les entreprises.
En mai dernier, un article du Monde évoquait une remontée du virilisme en entreprise…
Sur le terrain, j’ai constaté une certaine exaspération de la part des hommes, et dans une moindre mesure des femmes, autour des sujets de harcèlement et de domination masculine. Comme si les choses étaient allées trop loin.
Certains ont l’impression qu’avec les quotas il leur est plus difficile d’obtenir des promotions. Ils regrettent aussi de ne pas pouvoir critiquer les directives RH en matière d’égalité sans passer pour des machos. D’autres expriment une forme de ras-le-bol : “je suis d’accord pour l’égalité professionnelle à condition que les femmes travaillent autant que les hommes, le soir ou lorsqu’il y a une urgence”.
C’est une impression ou une réalité ?
Les études montrent que les hommes restent effectivement plus longtemps au travail que les femmes. C’est peut-être parce que les managers sollicitent davantage les hommes, lesquels restent aussi plus tard au travail pour montrer leur implication.
Cette exaspération autour des sujets de l’inégalité, vous la constatez également chez les RH ?
Non, je dirais plutôt qu’ils ont un sentiment d’impuissance. On leur demande de recruter des femmes dans des milieux essentiellement masculins et de devoir s’attaquer à des stéréotypes qui les dépassent comme à des situations relevant d’abord de l’organisation au sein des couples.
Lire notre guide « Diversité, Equité et Inclusion : comment recruter aujourd’hui ?