Falaise de verre : en temps de crise, les femmes en première ligne

Mise en ligne le jeudi 07, mars 2024

Mise à jour le vendredi 08 mars 2024

Camille Bataille, Content manager chez Beetween

By Camille Bataille, Content Manager

Les femmes et les enfants d’abord ! Enfin, ça, c’est ce qu’on dit… ❌

Dans les sphères professionnelles et politiques, les femmes ont souvent fait face à des obstacles supplémentaires pour atteindre des postes de leadership et de pouvoir. Parmi ces défis, le concept de la « falaise de verre » émerge comme une métaphore puissante pour décrire la situation des femmes confrontées à des responsabilités cruciales en temps de crise.

La falaise de verre : une définition

Le concept de falaise de verre (glass cliff en anglais) désigne les difficultés spécifiques auxquelles les femmes sont confrontées lorsqu’elles accèdent à des postes de leadership, en particulier en temps de crise.

La métaphore de la “Falaise de verre” est né à la suite d’un article du Times publié en 2005. Cet article faisait état d’une corrélation entre le genre des dirigeants et la performance de 100 entreprises cotées à la bourse de Londres, suggérant que les entreprises de cette sélection dirigées par des femmes étaient moins performantes. (lol)

Contrairement au « plafond de verre », qui décrit les obstacles invisibles qui empêchent les femmes d’atteindre les plus hauts échelons d’une organisation, la falaise de verre met en lumière la pression accrue et les attentes démesurées qui pèsent sur les femmes une fois qu’elles ont atteint des positions de pouvoir, surtout lorsque des crises surgissent.

Femmes au bord de la falaise de verre : quelques exemples

Dans l’Histoire contemporaine, on retrouve de nombreuses femmes ayant été confrontées à la falaise de verre. En voici une liste non exhaustive :

  • Margaret Thatcher : Surnommée « la Dame de Fer », Margaret Thatcher a été la première femme Première Ministre du Royaume-Uni. Pendant son mandat, elle a dû affronter diverses crises économiques et politiques, notamment la lutte contre les syndicats et la guerre des Malouines. Entre critiques sexistes et attaques personnelles, son expérience témoigne des défis uniques auxquels les femmes leaders sont confrontées lorsqu’elles font face à des crises.
  • Theresa May : Première Ministre du Royaume-Uni pendant la période tumultueuse du Brexit, elle a dû négocier avec l’Union européenne dans des conditions extrêmement complexes, et a également dû faire face à une opposition féroce au sein de son propre parti. Les critiques souvent sexistes et les attentes irréalistes quant à sa capacité à résoudre une crise illustrent parfaitement la pression supplémentaire imposée aux femmes en position de leadership en temps de crise.
  • Marissa Mayer, ancienne PDG de Yahoo, a été confrontée à la falaise de verre lorsqu’elle a pris la tête de l’entreprise en difficulté en 2012. Malgré ses efforts pour redresser la situation, elle a dû faire face à des attentes irréalistes, à une surveillance accrue et à une critique constante en raison de son genre. Son expérience illustre les défis spécifiques auxquels les femmes sont confrontées en tant que leaders en temps de crise : propulsées vers des postes de direction, mais jugées de manière disproportionnée en cas d’échec.

Autrement dit, souvent en temps de crise, la discrimination de genre va bon train…

Falaise de verre : un phénomène, de multiples facteurs

Les biais inconscients et autres biais de genre

La falaise de verre est un phénomène complexe, et en tant que tel, plusieurs facteurs contribuent à ce phénomène. D’abord, la perception des caractéristiques stéréotypiquement féminines très prisées en temps de crise.

Une étude de 2020 du Journal of Applied Psychology a par exemple examiné les compétences de leadership des femmes et des hommes dans des contextes de crise et a conclu que les femmes leaders étaient plus susceptibles de mettre en œuvre des stratégies de gestion de crise efficaces en raison de leur capacité à maintenir des relations interpersonnelles solides et à inspirer confiance.

Autrement dit, les femmes leaders sont perçues comme étant plus efficaces en temps de crise, car elles possèdent a priori des qualités telles que l’empathie, l’honnêteté, la résilience et la communication.

☝️ Précision importante : il est évident que ces compétences peuvent être développées par tout individu, indépendamment de son genre ! Mais que voulez-vous, les clichés ont la peau dure…

Une femme pour signaler un changement visible ?

En temps de guerre ou de crise, on est davantage prêt à tenter des choses nouvelles et à faire preuve d’une agilité inédite. Ce fut le cas, par exemple, lors de la Deuxième Guerre mondiale. Puisque les hommes étaient au front, il a bien fallu trouver un plan B pour faire tourner les usines d’armement. On a donc fait appel à des ouvrières pour prendre le relai !

Dans un autre genre, une étude de la Harvard Business Review (2020) a analysé les données recueillies entre mars et juin 2020, lors du pic de la pandémie de Covid-19 et a révélé que les femmes sont perçues par leurs collègues comme des leaders naturels lorsqu’elles sont confrontées à des situations de crise.

Ce qui illustre parfaitement un autre facteur non négligeable de la falaise de verre : le besoin des entreprises de signaler un changement visible et “valoriser” leurs valeurs progressistes… en nommant une femme à la tête de l’entreprise en déclin ou difficultées.

Car le fait de donner un poste décisionnaire à quelqu’un qui n’a a priori pas la “gueule de l’emploi” ou du pouvoir est bel et bien considéré comme une innovation.

Une pause s’impose : dites, on ne nous prendrait pas pour des poireaux ici ? 🤦‍♀️

Si l’entreprise est bien “progressiste”, pourquoi il a fallut attendre une crise pour nommer une femme à un poste à grandes responsabilité ?

La Théorie du parapluie : quand les femmes s’auto-sabotent

Vous avez déjà entendu parler de la théorie du parapluie ? ☂️

Voilà un autre biais de genre qui met du plomb dans l’aile de la carrière des femmes. Cette théorie, développée par Gill Whitty Collins pourrait être résumée ainsi : les femmes, pour diverses raisons, placent beaucoup d’espoir dans la méritocratie. Pour la plupart d’entre elles, le travail fourni est censé se suffire à lui-même.

Concrètement, ça veut dire qu’elles ne vont pas forcément aller parader pour dire combien leur travail est de qualité, et combien elles sont efficaces. Soit. Sauf qu’en face, les hommes eux, ont parfaitement conscience qu’il faut rendre leur contribution visible pour grimper les échelons. Et c’est là que le bât-blesse : on promeut plus facilement les homme parce qu’on à l’impression de mieux (re)connaître leur travail !

Prévenir la falaise de verre

Un ouvrage de référence

D’après une étude du World Economic Forum, il faudra attendre pas moins de 100 ans (131 ans pour être exacte) pour atteindre l’égalité, c’est-à-dire autant de femmes CEO ou Cheffes d’Etats que d’hommes 😱 (Global Gender Gap Report 2023 🇬🇧)

Ce qui m’amène à vous parler de Gill Whitty Collins. Mais peut-être que ce nom ne vous dit rien ? Ancienne vice- présidente senior de Procter & Gamble, elle a rédigé un essai qui a fait grand bruit en 2021 👇

“Les femmes travaillent, les hommes triomphent” (Larousse)

les femmes travaillent falaise de verre

Dans cet essai passionnant, Gill Whitty-Collins, se demande pourquoi l’immense majorité des postes à responsabilités sont détenus par des hommes, et comment il est possible d’y remédier. S’adressant aux hommes comme aux femmes, elle explique les biais inconscients et les codes invisibles en vigueur dans les entreprises, qui bénéficient aux hommes au détriment des femmes. Elle démonte également, chiffres à l’appui, les idées reçues sur les aptitudes des femmes à diriger.

Pour creuser la question, rendez-vous sur le site internet de Gill whitty Collins

Les conseils de Gill Whitty Collins

Voici les 4 conseils qu’elles donnent à ces femmes qui se retrouvent, parfois malgré elles au bord du précipice (comprendre au bord de la falaise de verre) :

#1 Encourager la confiance en soi : Whitty Collins souligne l’importance pour les femmes de développer leur confiance en elles-mêmes et de reconnaître la valeur de leur travail. Selon elle, la confiance en soi est un élément clé pour briser les barrières de genre et progresser dans sa carrière.

#2 Rendre le travail des femmes plus visible : elle recommande aux femmes de rendre leur contribution plus visible en mettant en valeur leurs réalisations et en partageant leurs succès avec leurs collègues et supérieurs hiérarchiques. Une visibilité accrue qui peut aider à combattre les stéréotypes de genre et à accroître les opportunités de promotion.

#3 Promouvoir l’égalité des chances : Gill Whitty Collins plaide en faveur de politiques et de pratiques organisationnelles qui favorisent l’égalité des chances pour tous les employés, indépendamment de leur genre par exemple, des programmes de mentorat et de développement professionnel conçus pour soutenir les femmes dans leur progression de carrière.

Consultez notre Livre Blanc dédié au DEI (Diversité, Equité & inclusion)

#4 Last but not least, sensibiliser aux biais de genre : Enfin, Whitty Collins souligne l’importance de sensibiliser les individus aux biais de genre, et remettre en question les stéréotypes liant compétences et sexe, et de reconnaître que les qualités de leadership efficaces sont une combinaison de traits traditionnellement masculins et féminins.

Mais il serait injuste, une fois encore, de tout mettre sur le dos des femmes. Les hommes ont aussi leur rôle à jouer dans cette ambitieuse entreprise : à eux de faire preuve de soutien en intégrant les femmes dans leurs recrutements et leurs promotions. “Monter” des équipes diversifiées doit devenir la normalité. Le système doit changer et accueillir les femmes à tous les niveaux hiérarchiques, professionnels…etc. Elles doivent pouvoir être soutenues et informées afin qu’elles puissent enfin se développer sans restrictions et menaces permanentes, qu’elles soient internes ou externes.

Camille Bataille, Content manager chez Beetween

By Camille Bataille, Content Manager

Véritable food trotteuse et grande amoureuse des livres, quand je n'écris pas sur l'univers RH, je partage mon temps entre le marque-page et la fourchette !🍴