Le recrutement est-il toujours un métier d’avenir ?

Mise en ligne le mardi 10, décembre 2024

Mise à jour le mardi 10 décembre 2024

jeanne le nai

By Jeanne Le Nai, Lead Generation manager

Il y a deux ans, nous nous étions demandé si le métier de recruteur était voué à disparaître lors d’une conférence organisée par Parlons RH.

Si l’on devait à nouveau y répondre aujourd’hui, force est de constater que l’intelligence artificielle a considérablement transformé les pratiques de recrutement, mais sans pour autant rendre les recruteurs obsolètes. Au contraire, elle leur offre de nouveaux outils pour optimiser leurs missions et se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée.

Dans cet article, nous allons explorer les principales évolutions de ces dernières années et voir comment l’IA a automatisé certaines tâches de recrutement, tout en ouvrant de nouvelles perspectives pour les professionnels des RH.

Quelles tâches recruteur peuvent aujourd’hui être automatisées ?

1. L’élaboration de sites carrière

Aujourd’hui, l’IA est capable de générer automatiquement des sites carrière. Comment ? En scannant le site corporate d’une entreprise pour récupérer le ton, la charte graphique. Mais aussi en analysant les offres d’emploi pour récupérer le processus de recrutement, ou en récupérant des fiches de poste grâce à l’interconnexion avec un logiciel ATS. Et toutes ces informations vont permettre de nourrir une base de données qui permettra à l’IA de créer automatiquement un contenu de site carrière voire des vidéos et des visuels correspondant à l’image de l’entreprise.

Pour aller plus loin
Êtes-vous suffisamment armé pour la guerre des talents ?

2. La veille technologique

Il y a encore 2 ans, la veille était toujours entre les mains du recruteur et était peu externalisée. Elle l’est quasiment totalement aujourd’hui grâce à des écosystèmes de partenaires spécialisés qui proposent une analyse continue des tendances du marché, comme les agences de communication RH, les boîtes de conseil d’assistance à maîtrise d’ouvrage en SIRH, les médias, et bien sûr les ATS.

Par exemple chez Beetween, on réalise cette veille technologique en sélectionnant nos partenaires sur la base de 3 critères :

  • La complémentarité de l’offre : que le partenaire en question apporte une fonctionnalité ou un service que Beetween n’est pas en capacité de produire.
  • La complémentarité de l’expertise : que le partenaire apporte un point de vue différent qui permette d’enrichir le client en commun.
  • La complémentarité business : que le partenaire s’adresse à la même cible que Beetween, qu’on puisse répondre à des besoins communs.

3. La qualification des candidats

Le parsing de CV, le matching et le scoring sont devenus des opérations routinières, réalisées en quelques secondes par les IA.

En ce qui concerne l’analyse des hard skills, une IA est tout à fait capable de générer les compétences techniques attendues à partir d’un brief de poste. Pour les soft skills, c’est un peu plus complexe, il faut qu’elles correspondent à un métier dans un contexte donné, mais là aussi l’IA peut avoir une carte à jouer. Par exemple, en faisant passer des tests cognitifs à ses collaborateurs, on pourrait déduire des qualités communes à rechercher chez un futur collaborateur.

C’est aussi un bon moyen d’analyser si un candidat se plaira au sein de la société mais aussi avec son manager. Sans garantir une pérennité dans l’entreprise, ces outils permettent de tendre vers un recrutement à plus long terme, en recrutant non seulement quelqu’un de qualifié mais aussi quelqu’un qui restera. On dit souvent “on ne quitte pas une entreprise mais on quitte un manager”. Ce n’est pas toujours vrai bien entendu, mais cette analyse permet de mieux comprendre de quel type de management un candidat aura besoin pour être épanoui.

Pour aller plus loin
Les différents profils professionnels et comment les manager

Tout ça ne veut pas dire que la dimension humaine disparaît, pas du tout d’ailleurs. Mais l’utilisation de tels outils peut venir gommer certains biais cognitifs communs. Par exemple, on se souvient souvent du premier et du dernier candidat, même si ce n’étaient pas forcément les meilleurs. On se souvient aussi du candidat qui est arrivé en retard et pour lequel on aura un avis défavorable, alors qu’il avait peut-être une raison tout à fait justifiée. Ces outils vont permettre de gommer quelques dizaines voire centaines de biais cognitifs.

4. Les entretiens

Sur certains aspects, l’IA peut être bien utile pour mener des entretiens d’embauche. Concernant la maîtrise de la connaissance par exemple.

L’IA aura forcément une meilleure base de connaissance qu’un humain, mais ça ne veut pas dire qu’elle aura un meilleur jugement.

L’IA est aussi capable de faire preuve d’écoute active, peut-être pas encore aussi bien qu’un recruteur, mais elle est capable de rebondir et de réagir aux réponses données par un candidat. Sa qualité d’analyse est également assez bluffante, une IA est tout à fait capable de déterminer si un candidat est pertinent pour le recrutement en cours ou non. Et enfin, cela paraît assez logique, mais elle est également plus disponible qu’un humain. Elle n’est pas soumise à des contraintes de temps et d’agenda…

L’IA serait-elle donc meilleure en entretien qu’un recruteur ?

Non, et elle ne le sera probablement jamais, car sur certaines compétences, elle n’est pas capable d’atteindre le niveau d’un humain. Notamment sur la capacité de séduction. Le recruteur incarne l’entreprise pour laquelle il recrute, il connaît l’entreprise, a la capacité de vendre le poste, de donner envie au candidat. Or, cette capacité de séduction est intimement liée à cette capacité de connaissance, qu’on limite souvent à une connaissance technique. En réalité, il y a plein d’autres informations utiles à connaître sur l’entreprise, comme savoir si le manager est très présent ou s’il est plutôt en télétravail, s’il y a des déplacements à prévoir. Ces informations-là sont rarement précisées dans le brief de poste, c’est quelque chose qui vient naturellement en échangeant lors de l’entretien, et ça l’IA ne peut pas l’inventer.

Parlons maintenant du feeling, ce ressenti un peu inexplicable qu’on peut avoir à propos d’un candidat, “est-ce qu’on le sent bien ou pas”.

Une IA n’a pas de sentiment, elle n’est pas capable d’avoir un bon ou mauvais feeling à propos d’un candidat.

Et surtout une IA, c’est un robot ! Elle n’aura jamais cette capacité de désobéissance, pourtant essentielle à la prise de décision.

Prenons l’exemple du bricolage, si je choisis d’actionner une visseuse, elle ne va pas me répondre : “non non, là je ne visse pas parce que tu n’as pas utilisé le bon matériau, ou tu n’as pas utilisé la bonne tête de vis”, et bien l’IA fonctionne de la même manière. On a donné des cases à remplir, l’IA va chercher à cocher ces cases. Alors qu’avec le feeling, un recruteur est capable de dire : ”bon, ce candidat sur le papier ne remplit pas toutes les cases mais je suis persuadé qu’il est fait pour le poste”.

Pour aller plus loin
Gestion des entretiens : les 7 étapes fondamentales

Le rôle du recruteur : de l’exécution à la stratégie

En résumé, l’IA et les nouvelles technologies de manière générale sont donc capables de prendre en charge une partie des tâches opérationnelles du recrutement. Si le rôle du recruteur évolue considérablement, il n’est pas question de le voir disparaître. Au contraire ! Il devient un véritable chef d’orchestre, capable :

  • D’analyser et d’interpréter les données : Les recruteurs doivent être en mesure de comprendre les insights fournis par les outils d’IA pour affiner leurs stratégies.
  • De gérer l’image de marque employeur : L’IA ne peut pas remplacer l’humain pour véhiculer les valeurs de l’entreprise et séduire les candidats.
  • De conseiller les équipes opérationnelles : Le recruteur devient un partenaire stratégique, capable de guider les managers dans leurs besoins en recrutement.
  • D’anticiper les évolutions du marché du travail : En s’appuyant sur les données collectées par l’IA, les recruteurs peuvent identifier les futurs talents et les compétences clés à développer.
repartition taches recruteurs ia

repartition taches recruteurs/ia

Pour aller plus loin
Toolkit : La place des hiring manager dans le processus de recrutement

Les défis à relever

Impossible de conclure cet article sans aborder les défis liés à l’utilisation de ces nouvelles technologies. À commencer par les contraintes légales.

L’article 22 du RGDP stipule clairement le droit des individus à ne pas faire l’objet de décisions exclusivement automatisées. Cela implique que l’IA ne doit pas remplacer l’évaluation humaine, mais la compléter.

À l’image d’un chatbot, les candidats doivent toujours avoir la possibilité de “parler à un humain”.

La question des biais algorithmiques est également centrale. Les algorithmes d’IA apprennent à partir des données qu’on leur fournit. Si ces données sont biaisées, les résultats le seront également, pouvant conduire à des discriminations à l’embauche. Il est donc crucial de s’assurer de la diversité et de la représentativité des données utilisées pour entraîner ces modèles.

La complexité d’intégration et de gestion de ces outils ne doit pas être sous-estimée. Leur mise en place nécessite des investissements importants, tant en termes financiers qu’en termes de compétences.

De plus, il est essentiel de s’assurer que ces outils sont régulièrement mis à jour et adaptés aux évolutions du marché du travail.

Enfin, l’adaptabilité des candidats à ces nouvelles technologies est un enjeu majeur. Si l’IA offre des expériences de recrutement plus personnalisées, elle peut aussi susciter de l’appréhension voire de la frustration chez certains candidats. Il est donc important de communiquer de manière transparente sur l’utilisation de ces outils et de veiller à préserver l’expérience candidat.

Pour tirer pleinement parti du potentiel de l’IA, il est essentiel de l’intégrer dans une démarche globale, en tenant compte des enjeux éthiques, juridiques et humains.

Pour aller plus loin
Le replay de la conférence ParlonsRH 2024 : le recrutement est-il toujours un métier d’avenir ?
jeanne le nai

By Jeanne Le Nai, Lead Generation manager

Si je devais résumer mon métier en quelques mots, je dirais que c'est un peu comme faire du recrutement... mais pour recruter des clients !